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Dossier / La culture de la pauvreté

Repenser la culture de la pauvreté


par Nicolas Duvoux , le 5 octobre 2010


Un numéro spécial de revue coordonné par les sociologues américains David Harding, Michèle Lamont, Mario Small examine les relations entre culture et pauvreté. Les auteurs reviennent sur la culture de la pauvreté, concept devenu tabou dans les années 1970 à cause de sa récupération conservatrice et raciste. Une vision plurielle et souple de la culture leur permet de dénouer le lien entre culture et race qui alimente la rhétorique conservatrice.

Recensé : David J. Harding, Michèle Lamont, Mario Luis Small, dir., Reconsidering Culture and Poverty, The Annals of the American Academy of Political and Social Science, Vol. 629, May 2010.

L’anthropologue Oscar Lewis a défini le concept de culture de la pauvreté comme un ensemble de normes et d’attitudes ayant pour effet d’enfermer les individus dans ce qui, à l’origine formé en réaction à des circonstances extérieures défavorables, perpétue en se transmettant de génération en génération l’état de pauvreté quelle que soit l’évolution des circonstances. Cette thèse anthropologique fit bientôt l’objet d’une récupération conservatrice aux États-Unis. La pauvreté dans les grandes métropoles fut largement imputée à la désorganisation de la famille noire américaine, soupçonnée de produire une véritable culture de la dépendance envers le welfare. Cette récupération eut, par contrecoup, pour effet de bannir toute référence à la culture dans les recherches sur la pauvreté pendant des décennies. En effet, celui qui attribuait la pauvreté à des causes culturelles était accusé de blâmer la victime, d’entretenir un racisme qui ne pouvait plus se dire ouvertement et de déconsidérer d’office toute politique sociale.

Aujourd’hui, la revue The Annals of the American Academy of Political and Social Science consacre un numéro spécial aux relations entre culture et pauvreté. Cette contribution témoigne du réinvestissement à nouveaux frais du thème de la culture de la pauvreté par des chercheurs d’orientation libérale qui entendent cependant se démarquer de la récupération conservatrice de ce thème. L’idée d’une culture de la pauvreté homogène est d’ailleurs passée au crible de nombreux travaux empiriques et fortement déconstruite. Ce réinvestissement s’accompagne d’un appel à la sociologie (qualitative) dans le champ des études de la pauvreté jusqu’ici dominé par l’économie et les sciences sociales quantitatives.

La culture de la pauvreté en Amérique

Pour comprendre l’enjeu de ce renouveau, il n’est sans doute pas inutile de rappeler que les relations entre culture et pauvreté ont pendant longtemps été pensées dans le cadre de la thèse d’Oscar Lewis. Cet anthropologue, dont les monographies de familles pauvres ont connu un succès mondial, définissait, comme nous l’avons vu, la culture de la pauvreté comme un ensemble de valeurs, d’attitudes et de comportements, essentiellement différent de celui des classes moyennes, adopté en réaction à des circonstances qui ne permettent pas de s’intégrer dans la société [1]. Devant vivre au jour le jour, les pauvres se replient sur le présent ; n’ayant que peu d’opportunités de promotion sociale, les pauvres abaissent leurs aspirations ; les hommes ne pouvant nourrir leurs foyers, ceux-ci sont tenus par les femmes, etc. Par la suite, les enfants s’appropriant ces modes de vie et attitude, l’adaptation aux circonstances extérieures se transformerait en un mode de vie pérenne qui interdirait aux descendants de profiter d’une éventuelle transformation des circonstances extérieures.

Cette thèse a fait l’objet de débats passionnés parce qu’en proposant une définition de la culture, elle s’inscrivait au cœur d’enjeux théoriques âprement disputés. Cependant, c’est en raison de ses enjeux politiques qu’elle a suscité le plus de passions. En effet, quoique Lewis lui-même en ait pensé [2], s’il est difficile de ne pas constater la spécificité des comportements, des attitudes et des valeurs des pauvres, il est sans doute encore plus difficile, pour des intellectuels progressistes, d’accepter l’idée que, puisque ce n’est pas le déficit d’opportunités qui explique la pauvreté, mais bien la culture, même une amélioration de l’offre institutionnelle n’améliorerait pas la situation des pauvres. Elle contiendrait donc une incitation au fatalisme, sinon une tendance à « blâmer la victime », selon l’expression consacrée à cette occasion [3], en plaçant en lui les mécanismes producteurs de sa situation défavorisée quand il ne s’agit pas tout simplement de naturaliser les comportements d’un groupe ethnique.

Aux États-Unis, la fortune qu’a connue la notion de culture de la pauvreté est indissociable de la dégradation profonde des ghettos [4] noirs dans les années 1960 et 1970, avec l’augmentation du nombre de naissances illégitimes et le recours croissant des mères célibataires au principal dispositif d’aide sociale américaine : l’Aid to Families with Dependant Children (celui-là même qui fut radicalement transformé par la réforme de l’assistance de 1996 [5]). Elle date notamment de la publication du rapport de Daniel Patrick Moynihan, The Negro Family. A Case for Public Action [6]. L’ambition de Moynihan était d’expliquer comment l’esclavage avait conduit à une désagrégation des institutions de la communauté noire. La désorganisation sociale constatée dans les inner-cities était due selon lui à la dissolution des institutions de la communauté noire, au premier rang desquelles la famille, dans laquelle les femmes tenaient de plus en plus le premier rôle. Or, comme on l’a déjà dit, l’idée d’une sous-culture des Noirs du ghetto a fait l’objet d’une récupération systématique par la critique conservatrice de l’État-providence qui est devenue dominante. Cette interprétation culturaliste de la pauvreté s’est diffusée de concert avec la rhétorique conservatrice de l’ère Reagan qui réaffirmait les valeurs morales de l’Amérique. La culture de la pauvreté est devenue la culture du welfare à mesure que celui-ci était critiqué. Pour les critiques du welfare, les chèques de l’assistance, considérés comme un dû par des populations ayant perdu tout sens de la responsabilité sociale, incitaient à ne pas travailler et à faire des enfants hors mariage. L’idée d’une underclass urbaine s’est imposée pour décrire – et expliquer – le cortège de violences et de trafics de drogue qui se sont développés à des niveaux sans précédent dans les ghettos des centre-villes dans les années 1980 et 1990, avant de refluer – et de se déplacer vers les suburbs dans les années 2000. Cette récupération de la thèse de la culture de la pauvreté dans le cadre d’une rhétorique réactionnaire [7] d’une très grande violence, a conduit même les sociologues à dissimuler la proximité de leurs résultats avec ceux d’Oscar Lewis.

La publication de The Truly Disadvantaged [8] de William J. Wilson a marqué un tournant. Il a conduit une nouvelle génération à se saisir de cette question et, à cette occasion, à repenser la culture, dans un mouvement convergent avec les évolutions connues par d’autres sciences sociales, l’anthropologie notamment. Même si, comme le soulignent les directeurs du numéro des Annals dans leur introduction, ce courant n’est pas structuré et s’il n’est pas doté d’un programme de recherche cohérent, les résultats produits par différents chercheurs sont suffisamment significatifs pour marquer une réorientation problématique et thématique dans le champ des études sur la pauvreté.

Pour les auteurs de la revue, l’abandon de la question de la culture est regrettable, d’un point de vue à la fois scientifique et politique. Cependant, l’effort des auteurs se porte sur la dimension scientifique, en neutralisant la dimension politique [9]. Du point de vue scientifique, les chercheurs devraient se préoccuper de la culture pour comprendre comment les individus répondent à la pauvreté, à la fois comment ils y font face (how they cope with it) et comment ils en sortent (how they escape it). Sur le premier point, si la recherche a identifié différentes stratégies de résistance, les auteurs de l’introduction soulignent que des questions restent ouvertes ; par exemple, pourquoi les pauvres immigrants créent-ils un réseau associatif plus dense que les pauvres autochtones ? Ce thème invite à approfondir les résultats déjà établis par Michèle Lamont [10] selon lesquels la capacité de résilience des pauvres, y compris la capacité de résistance au stigmate est liée à leur identité culturelle et à leur participation sociale. Sur le second point (comment les pauvres sortent-ils de la pauvreté ?), les éditeurs du numéro invitent à interroger les variations et l’hétérogénéité dans les comportements et processus de décision des pauvres. Cette question est d’autant plus importante que des travaux font apparaître qu’il ne suffit pas d’identifier des groupes ayant le « bon » ensemble de valeurs (c’est-à-dire l’ensemble socialement défini comme conforme et valorisé) pour s’en sortir mais que les « bonnes » valeurs dans le mauvais contexte peuvent être contre-productives. L’opposition manichéenne entre pauvres méritants et non-méritants est ici réinterrogée par la question de la pertinence des valeurs socialement valorisées au contexte de la pauvreté (p . 9-10).

Pour une approche plurielle de la culture

Pour mieux définir la notion de culture, les auteurs proposent d’utiliser un ensemble de concepts. Ainsi, l’introduction distingue sept concepts permettant une meilleure compréhension de la pauvreté grâce à l’affinement des catégories d’analyse. Reprenant la trame d’un article publié en 2008, Michèle Lamont et Mario Luis Small [11] différencient des valeurs (values), des cadres (frames), des répertoires (repertoires), des récits (narratives), des frontières morales (symbolic boundaries), du capital culturel (cultural capital) et des institutions (institutions).

La première démarche pour appréhender à nouveaux frais les relations de la pauvreté et de la culture est de relativiser l’importance des valeurs sur lesquelles s’appuie la rhétorique conservatrice pour ethniciser les pauvres, et montrant qu’elles sont dépourvues de validation empirique. Les pauvres n’ont pas de valeurs fondamentalement différentes du reste de la société mais ils ne disposent pas toujours des répertoires d’actions et de stratégies leur permettant de mettre ces valeurs en pratique. Cette perspective pluralise fortement la culture et fait apparaître les contradictions entre différents répertoires d’actions avec lesquelles chacun doit faire. Plus profondément, Michèle Lamont signale que l’idée de répertoire n’explique pas pourquoi certains éléments du répertoire sont choisis dans le cours de l’action.

Autrement plus importante est l’idée de cadre qui suggère que « la façon dont les individus agissent dépend de la manière dont ils se conçoivent eux-mêmes, [et dont ils conçoivent] le monde et leur entourage ». Puisée dans la tradition interactionniste, cette idée de cadre permet de montrer les effets pratiques des perceptions différentes d’un même événement par des individus ou des groupes ayant acquis un bagage d’expériences et des compréhensions différentes. Les cadres d’interprétation du quartier de résidence influent sur la participation de ses habitants. Cette insistance sur les cadres permet de faire apparaître l’hétérogénéité interne des quartiers pauvres en termes de comportements ou de résultats et d’invalider l’idée d’une culture du ghetto qui serait partagée de manière homogène par les habitants des quartiers déqualifiés. L’appréhension de la pauvreté par le concept de cadre rend possible de rompre avec une vision rigide de la relation causale entre culture et comportement. La notion de cadre suggère que la culture rend l’action possible ou probable ; mais jamais nécessaire. Elle trouve un prolongement dans l’idée de récits qui, d’une certaine manière, individualise cette détermination des comportements par des facteurs culturels. Si les individus agissent en fonction de cadres socialement construits, ils le font aussi à partir du récit qu’ils ont élaboré de leur propre expérience.

Le concept de frontières symboliques, formé par Michèle Lamont et Marcel Fournier, permet d’articuler le niveau microsociologique de l’expérience vécue, celui qui étudie la façon dont les individus donnent un sens à leur situation, avec des aspects plus structurels, tels que les traditions politiques et culturelles de différents pays. Les auteurs rappellent les résultats de précédents travaux qui avaient montré qu’aux États-Unis les ouvriers se distinguent fortement des pauvres, du fait de l’individualisme qui y prévaut et beaucoup moins en France, en partie du fait des traditions catholiques et socialistes qui ont donné une assise à l’idée républicaine de solidarité. Le problème est que les catégories culturelles de mérite correspondent ainsi à des différences politiques dans la lutte contre la pauvreté dans les deux pays. Le concept de frontière symbolique joue en quelque sorte un rôle d’interface en proposant une définition culturelle de la formation des structures sociales.

Frontières symboliques, frontières sociales

D’après la définition qu’en donnent Lamont et Fournier, les frontières symboliques sont des « distinctions conceptuelles effectuées par des acteurs sociaux pour catégoriser des objets, des gens, des pratiques aussi bien que le temps et l’espace. Les frontières constituent un système de règles guidant l’interaction en déterminant qui se réunit et pour quels actes sociaux. Ainsi, elles séparent les individus dans des classes, dans des groupes de travail, dans des professions, des espèces, des genres et des races. Par conséquent, les frontières n’ont pas uniquement la force de créer des groupes, elles ont le potentiel de produire de l’inégalité car elles forment un moyen essentiel par lequel les individus acquièrent un statut, monopolisent des ressources, écartent des dangers, ou légitiment leurs avantages sociaux, et cela souvent en référence à un mode de vie supérieur, à des habitudes, au caractère ou aux compétences. » (Michèle Lamont et Marcel Fournier (eds), Cultivating Differences : Symbolic Boundaries and the Making of Inequality, Chicago, University Press of Chicago, 1992, p. 12). Ces frontières symboliques sont à distinguer des frontières sociales qui sont « des formes objectivées des différences sociales se manifestant en un accès inégal à des ressources (matérielle et non-matérielles) et des opportunités sociales ainsi que leur distribution inégale. » L’existence des frontières symboliques est une condition nécessaire mais non suffisante pour la fondation et la légitimation de l’exclusion sociale qui peut se traduire par le développement d’inégalités et de ségrégations. Michèle Lamont et Virag Molnar, « The Study of Boundaries across the Social Sciences », Annual Review of Sociology, 2002, 28 : 168-169. Cependant, alors que les frontières sociales sont institutionnalisées, les frontières symboliques caractérisent les luttes de classement par lesquelles la majorité des groupes tentent de maintenir les privilèges attachés à leur statut, cf. Paul Lichterman et Nina Eliasoph, « Culture in Interaction », American Journal of Sociology, 2003, 108 : 735-94.

Enfin, les concepts de capital culturel et d’institutions complètent ce cadre théorique en rattachant les acquis des premières distinctions aux effets liés à la stratification sociale. La transmission des goûts – et des dégoûts – permet une reproduction de l’avantage des familles de classe moyenne. La poursuite de l’analyse met en avant une discordance culturelle (cultural mismatch) entre les goûts nécessaires à l’inclusion dans le groupe de pairs et l’intégration dans le milieu scolaire. Cette dimension enrichit l’analyse des skills et spatial mismatches grâce auxquelles le chômage des habitants pauvres du ghetto a été analysé par Wilson.

Culture, pauvreté et politiques

La première partie constitue la plus importante, à la fois par le nombre de pages et par la définition d’une nouvelle approche de la culture à partir de l’expérience vécue. Elle traite de différents thèmes : le rapport à l’emploi, la représentation des rôles familiaux et les aspirations liées à l’éducation. Les analyses repartent pour la plupart d’enquêtes de terrain menées auprès de jeunes hommes pauvres. Nous nous concentrerons ici sur les deux articles consacrés au rapport au travail pour faire apparaître la pluralité des approches possibles d’un objet presque identique. Ces deux contributions illustrent l’articulation d’une relecture de traditions de recherche avec la présentation d’une étude de cas empirique. « A Test of Sincerity » de Sandra Susan Smith met à l’épreuve d’une enquête qualitative l’idée que les facteurs culturels jouent un rôle crucial dans la mobilisation du capital social. Par la même occasion, elle renouvelle l’analyse de la sociologie des réseaux en reprenant à nouveaux frais le thème fondateur de cette méthodologie. Son étude porte sur les employés de service de l’Université de Berkeley où elle enseigne. À partir d’entretiens approfondis semi-directifs, elle cherche à comprendre la façon dont les Africains-Américains et les hispaniques mettent des membres de leur groupe en relation avec un employeur – autrement dit, quand les liens forts jouent le rôle des liens faibles. Elle montre précisément que les latinos aident plus et plus explicitement les membres de leur groupe à se faire employer. Cela tient au fait qu’ils sont moins souvent que les Africains-Américains inscrits dans des réseaux comportant un nombre important de personnes sans-emploi. Ce paramètre aurait pu ou même dû jouer en sens inverse parce que les employés noirs considèrent la pauvreté en termes moraux, c’est-à-dire se sont appropriés les croyances dominantes. De ce fait, ils interprètent les demandes comme des tentatives de sauver les apparences en adoptant, de manière purement extérieure, des expressions de motivation au travail. L’assistance envers autrui se fait alors de manière passive et sélective. Entre les ghettos noirs et le barrio, une nuance capitale se déploie : les premiers sont frappés par le chômage, les seconds par le sous-emploi ; une plus grande confiance sociale en résulte entre les habitants de ces derniers quartiers. Cette perspective, étayée par une enquête de terrain bien menée et restituée, approfondit plus qu’elle ne les remet en cause les résultats acquis par vingt-cinq ans de recherche sur le chômage des Noirs dans la perspective de la sociologie des réseaux et du capital social. Les mécanismes de la discrimination statistique sont mis au jour, au sein même du groupe ethnique qui en est la principale victime. Elles perpétuent la stigmatisation et l’exclusion de la société dont pâtissent les Noirs.

Alford A. Young s’intéresse ensuite au concept de cadrage. Il repart d’une explicitation de la façon dont les travailleurs à bas salaires interprètent et présentent les images de leur réalité sociale pour réviser la littérature sur la culture de la pauvreté. Le problème, souligne Young, est que la façon dont les Africains-Américains défavorisés donnent du sens aux opportunités a été négligée au profit d’une logique morale binaire : ou bien ils devaient être encouragés à saisir les opportunités économiques et les perspectives de promotion scolaire… ou bien ils devaient être sanctionnés pour ne pas l’avoir fait. La perspective du cadre sort l’étude des dimensions culturelles de la pauvreté de sa dimension normative et moralisante. Il convient dès lors de s’attacher aux particularités des expériences de vie pour rendre compte des représentations diversifiées du monde social de ces populations. L’article s’appuie sur des entretiens avec vingt-six jeunes hommes afro-américains de Détroit, ville particulièrement marquée par la pauvreté – elle était en 2002 la plus pauvre des États-Unis [12] – et où les Noirs sont particulièrement frappés par le sous-emploi urbain. Il porte plus particulièrement sur la signification qu’ils peuvent donner à la notion de « good job » de manière à comprendre comment ces individus élaborent un sens de l’ordre et de la hiérarchie quand ils considèrent le monde économique. Sans surprise, ceux qui ont fait des études donnent plus d’importance aux gratifications liées à l’autonomie et à l’expressivité. L’élasticité et le caractère évolutif de la notion même de cadre ressort de cette analyse, au-delà même de la pluralisation des représentations au sein d’un groupe a priori homogène.

La deuxième partie, composée de deux articles, s’attache aux relations qui se nouent entre culture et pauvreté dans la conception et la mise en œuvre de politiques publiques. Elle met en oeuvre sinon une comparaison, du moins ouvre le volume à une approche internationale par le biais de la contribution de Vijayendra Rao et Paromita Sanyal, « Dignity through Discourse : Poverty and the Culture of Deliberation in Indian Village Democracies ». Cet article étudie l’impact sur la culture des pauvres des procédures de démocratie délibérative mises en place dans deux millions de villages en Inde. Son approche résolument communicationnelle de la culture s’inscrit dans la perspective normative d’Amartya Sen et de la sociologie de la reconnaissance. Mais le travail empirique d’analyse des comptes rendus de séances de ces comités de village chargés de sélectionner les bénéficiaires de l’aide sociale révèle les limites de l’impact des procédures de la démocratie délibérative pour construire une « culture politique de la pauvreté ». La compétition discursive s’instaure en lieu et place de la démocratie délibérative. Il est dommage que la définition relationnelle de la culture – qui met l’accent sur la communication – ne permette pas véritablement de revenir sur un des aspects de continuité des populations observées (celles qui subissent le désavantage d’appartenir à des basses castes en plus de subir l’inégalité socio-économique – cette double oppression pouvant être renforcée par celle liée au genre) avec la thèse de la culture de la pauvreté dont l’importance est soulignée en introduction et rappelée par la formule paradoxale de « culture politique de la pauvreté ».

Le second article étudie la façon dont les élites se représentent la pauvreté, à partir des discours sur les programmes de lutte contre la pauvreté prononcés au Congrès à deux périodes clés : celle de la « Grande société » d’abord, l’époque où Johnson avait déclaré une « guerre inconditionnelle à la pauvreté » (1964-1968), moment clé de la mobilisation d’un ensemble d’experts de la pauvreté [13], ensuite la période « néo-libérale » d’offensive contre les programmes de la Grande société (1981-1996). S’appuyant sur un état des recherches sur la relation entre idées et politiques sociales, ces études ont un point commun : mettre en relation l’étendue et la générosité du filet de sécurité avec la représentation du « mérite » des pauvres (deservingness). Si ce point est important, il ne permet pas, selon l’auteur, de répondre à deux questions clés : comprendre le changement des politiques sociales d’une part et le développement d’instruments de lutte contre la pauvreté de l’autre. Evoquant ainsi la réforme de l’AFDC (Aid to Families with Dependent Children) et sa transformation en TANF (Temporary Assistance for Needy Families), il rappelle que ses promoteurs ne se sont pas contentés de décrire les pauvres comme non-méritants (undeserving) mais les ont représentés comme des victimes d’un filet de sécurité dont la générosité les aurait poussés dans la dépendance. Dans cette perspective, c’est faire acte de compassion envers ces pauvres que d’imposer de strictes limites temporelles au bénéfice de l’aide sociale comme cela fut fait. Il faut reconsidérer les conceptions politiques de la pauvreté dans des « catégories culturelles de la valeur » plus fines. Son travail d’analyse du discours politique en remontant à la source lui permet de dépasser ces notions de deservingness/undeservingness comme des catégories plus importantes pour les sciences sociales qui cherchent après coup à donner sens aussi bien aux évolutions qu’aux acteurs politiques eux-mêmes [14]. L’auteur s’attache à montrer, à partir du concept de « cadre » (frame) que, dans les deux périodes étudiées, les réponses correspondent à la manière dont le législateur façonne (frame) les causes de la pauvreté et les capacités et motivations des pauvres. Dans les années 1960, c’est l’effondrement de la communauté qui est tenue pour responsable de la pauvreté, mais les problèmes psychologiques que rencontrent les Noirs sont rattachés à la limitation de leurs opportunités de s’intégrer dans le courant central. Les pauvres étaient vus comme des victimes désarmées et désespérées de transformations économiques et de discriminations. La société était vue comme responsable de leur sort. Ceux qui voulaient s’en sortir ne le pouvaient pas. Ceux qui ne le voulaient pas ou plus étaient les victimes d’un contexte qui les empêchait de développer des valeurs convergentes avec le reste de la société.

Dans la période néolibérale, ce sont les individus eux-mêmes qui sont tenus pour responsables de leur pauvreté, les valeurs qui leur permettraient de faire les bons choix leur font défaut. La dissolution de la famille est considérée comme le résultat de l’action du gouvernement dont la générosité produit une dépendance envers l’aide sociale – c’est-à-dire produit le maintien dans la pauvreté – en même temps que d’autres maux (dépenses ; croissance ralentie, etc.) Dans les années 1980 et 1990, c’est le welfare lui-même et non plus la pauvreté qui devint le problème, la maladie à guérir. La croissance des naissances hors mariage chez les adolescentes (noires) américaines est l’indice d’une culture de la dépendance dont on redoute la reproduction intergénérationnelle – quand bien même rien n’atteste celle-ci [15]. Si la pauvreté est perçue comme l’absence ou la perte des valeurs du courant central de la société (les valeurs familiales et l’éthique du travail), les pauvres sont décrits comme des acteurs rationnels qui s’adaptent aux incitations perverses de l’aide sociale. Celle-ci incite à concevoir des enfants hors des liens du mariage et détourne du travail.

La dernière partie, composée d’un article de William Julius Wilson et de réflexions d’acteurs politiques qui livrent leur vision des contributions, revient sur l’articulation entre structure et culture dans la compréhension et la lutte contre la pauvreté. Cette contribution se situe dans la continuité des thèses défendues dans son dernier livre More Than Just Race [16] dans lequel le sociologue, connu pour avoir mis l’accent sur les forces économiques et sociales structurelles qui déterminent le destin des jeunes Noirs du ghetto, souligne l’importance des questions culturelles. Dans cette contribution, il propose d’articuler les facteurs structurels et culturels, pour ne pas en rester à une simple juxtaposition des effets structurels et culturels (la façon dont les positions sociales, les rôles ou les réseaux sont organisés dans les institutions [17]) et pour surtout ne pas négliger la hiérarchie entre les deux types de forces, c’est-à-dire pour rappeler la prééminence des facteurs structurels.

En effet, malgré l’attention aux facteurs culturels – qu’il perçoit non seulement comme des effets de la race et de la pauvreté mais comme produisant des effets, sous la forme de réponses à la pauvreté et de réponses qui peuvent contribuer à perpétuer les situations de pauvreté – l’argument de Wilson est sans équivoque. Les facteurs structurels sont les plus importants. Il est d’autant plus essentiel de le réaffirmer que les États-Unis se distinguent toujours par la croyance dans la responsabilité individuelle des pauvres. Il y a donc une préférence américaine pour l’explication de la pauvreté par des facteurs culturels que l’argumentation scientifique doit toujours prendre soin de ne pas alimenter. Si les facteurs culturels étaient les plus importants, les habitants des quartiers où la pauvreté se concentre n’auraient pas pu profiter de la croissance économique des années 1990. Or ce fut le cas : la pauvreté urbaine a considérablement diminué. L’argumentation de Wilson se déploie alors dans une discussion fine de travaux sur les effets de quartier. Bien compris, les effets de quartier – l’effet propre lié au fait de vivre dans un quartier où la pauvreté est concentrée et qu’il ne faut pas confondre avec l’effet de variables individuelles – ne sont pas seulement structurels. Les compétences cognitives et verbales sont amoindries par cet environnement. La discrimination et sa reproduction dans le temps exposent les individus à des états psychologiques que les analystes peuvent à tort considérer comme des normes dans la mesure où ils semblent réguler les comportements. Il en va ainsi de la résignation. Les effets psychologiques de la discrimination raciale et du statut économique se condensent dans des modèles comportementaux qui, en retour, renforcent la difficulté à s’intégrer au courant central de la société.

La diversité des thèmes et des approches, allant des dimensions micro et de l’impact des facteurs culturels au pluralisme des méthodes, est remarquable. Elle permet de faire dialoguer la sociologie culturelle qualitative avec les résultats issus de travaux quantitatifs. Elle affirme l’autonomie de la sociologie qualitative tout en assurant son insertion dans le champ des recherches sur la pauvreté largement dominé outre-Atlantique par les travaux d’orientation méthodologique quantitative. Ensuite, les éditeurs ont donné la parole à des contributions qui invitent à nuancer le cadre d’analyse qu’ils proposent. Stephen Vaisey qui revient sur les différences dans les aspirations éducatives des différents groupes et Wilson travaillent ainsi les facteurs culturels dans la perspective d’une articulation avec la culture entendue comme normes et valeurs d’un côté et avec les facteurs structurels de l’autre. Ces contributions permettent au lecteur d’évaluer les limites du paradigme proposé et ouvrent de nouveaux champs à la recherche.

Sur quelques prolongements comparatistes possibles

Cette contribution qui vise principalement à alimenter le débat américain sur la pauvreté traduit un renouveau des analyses portant sur la culture dans la sociologie européenne [18]. Il y a, à mon sens, plusieurs avantages à replacer ainsi l’évolution des rapports entre culture et pauvreté dans ces processus globaux qui caractérisent ce que Peter Wagner [19] a nommé la modernité élargie, caractérisée par l’individualisation et la mondialisation, et qui succède à la modernité organisée autour de l’État-nation (ou plus exactement l’État national et social). Cette réintroduction des concepts de la sociologie de la modernité permet de décentrer l’objet étudié (la relation entre culture et pauvreté) par rapport à toute sociologie nationale.

  • Replacées dans les grandes catégories de la sociologie de la modernisation, les manifestations culturelles de la concentration de la pauvreté urbaine aux États-Unis et en Europe [20] peuvent être analysées dans une même dialectique de déségrégation (ou extraversion) culturelle impliquant une dimension spatiale puisque les emplois ont quitté les centre villes (spatial mismatch [21]) et une dimension liée aux compétences puisque les emplois de service demandent aux travailleurs de s’approprier des compétences sociales proches des habitus de classes moyennes (skills mismatch) des travailleurs les moins qualifiés et de leurs familles dans le cadre de l’économie des services d’une part et de ségrégation (le nouveau racisme dit culturel ou différentialiste) et d’auto-ségrégation (adoption des codes de la rue [22] ou néo-traditionnalisation des comportements), elle-même fortement déterminée par les phénomènes qui produisent le chômage ou le sous-emploi des jeunes urbains, et notamment de ceux appartenant aux minorités visibles. En définitive, si culture spécifique des pauvres il y a, au sens fort d’un ensemble de significations et d’attitudes partagées, elle est « un mécanisme de défense contre la domination subie » [23]. C’est-à-dire que, loin d’être passif, « le groupe participe activement à la production de sa propre insularité » (ibid.), avec les effets contre-productifs d’une telle attitude : « et même si celle-ci est pour lui d’abord une manière de résister, elle contribue aussi au confinement dans lequel l’ont d’abord installé les mécanismes de domination. » (ibid.) Dans cette perspective, même les formes les plus radicales de séparation culturelle et d’apparente homogénéité sont susceptibles d’une (re)contruction analytique que les concepts présentés dans l’introduction du volume des Annals devraient aider à opérer. Une vision de la culture des pauvres, par en bas, à partir de la signification de l’expérience vécue des acteurs, pourrait ainsi faire la part du rôle de processus globaux et des cadres nationaux situés au sein desquels les pratiques s’inscrivent.
  • Ainsi, la mise en valeur de traits communs aux différentes sociétés devrait permettre de rendre compte des modalités de développement de la culture des pauvres dans chaque pays comme de son institutionnalisation par les pratiques sociales (discours savants et sociaux ; conception des politiques sociales, etc.) L’importance prise par la thématique de la culture de la pauvreté aux États-Unis peut trouver un début d’explication. Ainsi, c’est bien dans le cadre d’un élargissement survenu au milieu des années 1960, au sein de la société américaine, de la sphère du volontarisme (dont un très riche travail de sociologie de la modernité appliquée au cas des États-Unis [24] a récemment montré l’importance dans ce pays) que la thèse de la culture de la pauvreté a pris une telle importance. Dès lors que les barrières institutionnelles telles que la ségrégation – qui ne recoupent pas, évidemment, l’ensemble des barrières réelles – imposées à la participation des Africains-Américains avaient été abaissées, de même que celles qui empêchaient les femmes d’entrer sur le marché du travail, la dépendance – notion qui allait devenir centrale dans l’analyse conservatrice de la pauvreté qui parle d’une culture de la dépendance envers l’aide sociale – allait prendre une signification strictement individuelle, psychologique. À partir de ce moment-là, on peut à juste titre affirmer qu’il n’y avait plus de dépendance perçue comme positive dans la société américaine [25], c’est-à-dire d’explication structurelle légitime pour rendre compte du désavantage social.
  • Un tel cadre d’analyse permet de faire apparaître les convergences entre différents pays. Si, comme les nombreux travaux comparatifs de Lamont l’ont montré, les représentations que les travailleurs ont des pauvres en France et aux États-Unis sont très différentes, des représentations tout à fait similaires à celles que l’on trouve aux États-Unis se développent en France. Même si c’est à un degré moindre et si cette mise à distance est compensée par la permanence des héritages socialistes, républicains et catholiques, le clivage entre travailleurs et pauvres est de plus en plus net en France [26]. Cette évolution est caractéristique d’une transformation du rapport à la pauvreté dans les pays européens. Ce rapprochement objectif entre l’Europe et les États-Unis ouvre la voie à une circulation des savoirs dans les deux sens. Tout d’abord, les sociologues européens auraient beaucoup à gagner à s’approprier la somme des travaux produite sur les relations entre culture et pauvreté. Celle-ci permet de mettre en garde contre la tendance à « blâmer la victime » qui se développe à mesure que l’égalité des chances progresse dans les sociétés européennes sans pour autant négliger les dimensions culturelles de la pauvreté. En retour, la configuration sociale évolutive des pays européens est susceptible de contribuer au programme de recherches ouvert par les éditeurs du volume des Annals. En effet, même si l’on se situe dans le cadre d’une sociologique d’inspiration durkheimienne, donc en théorie réticente à appréhender les dimensions culturelles de la pauvreté parce qu’ancrée dans l’étude des normes de la société, on peut contribuer à montrer comment, dans certaines circonstances, la promotion de l’autonomie individuelle peut conduire à ce que les individus, en fonction de leurs cadres ou de leurs trajectoires, n’acceptent pas le nouveau type de politiques sociales (dont la conception, sinon la réalisation, est proche du workfare) qui les prennent en charge, au point de ne pas y recourir. Plus fondamentalement, si l’on s’attache à décrire la façon dont les individus perçoivent, les normes de la société, et notamment celle d’autonomie individuelle [27], on peut décrire, in statu nascendi, un clivage (ou plutôt un ensemble de clivages) entre pauvres eux-mêmes, en fonction de lignes ethno-raciales. Pour résumer, les contributions des sociologues américains aident à dénouer le lien entre culture et race tout en montrant dans quelle mesure la culture joue un rôle. Elles aident enfin à comprendre pourquoi la culture fait l’objet d’une ethnicisation par la société.

Ces dernières remarques militent donc pour un élargissement du programme de recherches ouvert par Michèle Lamont et Mario Small et dont l’ensemble de contributions coordonné avec David Harding offre une première synthèse en même temps qu’une invitation au développement de travaux empiriques sur la culture dans la pauvreté. Une invitation qui, espérons-le, rencontrera de nombreuses vocations aux États-Unis et ailleurs, dans la mesure où elle offre une voie d’enrichissement théorique et empirique de la question de la pauvreté en phase avec les enjeux politiques actuels.

Une version précédente de cet article contenait la phrase suivante : "Ainsi, William J. Wilson dans The Truly Disadvantaged ne le cite pas alors même que sa description et ses analyses du mode de vie de l’underclass urbaine recoupent un certain nombre d’éléments mis au jour par Lewis." William J. Wilson a envoyé à la rédaction de laviedesidees.fr un message précisant qu’il consacrait au contraire trois pages entières de son ouvrage au travail d’Oscar Lewis, dont cinq ouvrages sont mentionnés, notamment à la page 137 où il distingue sa notion de « sous-culture du ghetto » de la « culture de la pauvreté » développée par Lewis. L’auteur de l’article a reconnu son erreur et accepté de supprimer cette phrase.

par Nicolas Duvoux, le 5 octobre 2010

Aller plus loin

 Daniel Fowler,

Social Scientists Offer a Multifaceted

Picture of Poverty’s Consequences

, ASA Communications Office.

 L’introduction du volume est en ligne

Pour citer cet article :

Nicolas Duvoux, « Repenser la culture de la pauvreté. », La Vie des idées , 5 octobre 2010. ISSN : 2105-3030. URL : https://booksandideas.net./Repenser-la-culture-de-la-pauvrete

Nota bene :

Si vous souhaitez critiquer ou développer cet article, vous êtes invité à proposer un texte au comité de rédaction (redaction chez laviedesidees.fr). Nous vous répondrons dans les meilleurs délais.

Notes

[1Oscar Lewis, La vida : A Puerto Rican Family in the Culture of Poverty – San Juan and New York, Random House, 1966.

[2Oscar Lewis, «  The Culture of Poverty  », Scientific American 215, October 1966.

[3William Ryan, Blaming the Victim, Vintage Books, 1976.

[4La désorganisation sociale des ghettos noirs a suscité l’émergence d’une littérature à part entière. On consultera avec profit les travaux de William Julius Wilson notamment When Work Disappears. The World of the New Urban Poor, Vintage Books, 1997. Des travaux ethnographiques ont également documenté la vie dans les ghettos. Sudhir Venkatesh a récemment renouvelé ces approches dans Off The Books. The Underground Economy of the Urban Poor, Harvard University Press, 2006.

[5Pour une mise en perspective de cette réforme fondamentale ayant aboli le droit à l’assistance et appliqué le principe du «  workfare  », on consultera Jean-Claude Barbier, «  Pour un bilan du workfare et de l’activation  » ainsi qu’Isaac Martin, «  Où va l’État-providence américain  ?  ».

[6Daniel Patrick Moynihan, The Negro Family : The Case for National Action. Washington DC : Office of Policy Planning and Research, U.S. Department of Labor, 1965. Pour une contextualisation, on consultera avec intérêt William Julius Wilson, «  The Moynihan Report and research on the Black community  », The Annals of the American Academy of Political and Social Science, 2009, 621 (1) : 34-46.

[7Albert O. Hirschmann, The Rhetoric of Reaction. Perversity, Futility, Jeopardy, Belknap Press of University Harvard, 1991.

[8William Julius Wilson, The Truly Disadvantaged. The inner-city, the underclass, and public policy, Chicago : University of Chicago Press, 1987.

[9«  Whether, when and how cultural tools and cultural constraints matter is utlimately an empirical, not a political question  », p. 12.

[10Michèle Lamont, «  Responses to Racism, health, and social inclusion as dimension of successful societies  ». In Successful Societies : How institutions and culture influence health, ed. Peter A. Hall et Michèle Lamont, New York, Cambridge University Press, 2009.

[11Michèle Lamont et Mario Luis Small, «  How Culture Matters : Enriching our Understandng of Poverty  », in The Colors of Poverty, ed. Ann C. Lin and David R. Harris, 76-102, New York : Russell Sage Foundation, 2008.

[13Romain Huret, La fin de la pauvreté  ? Les experts sociaux en guerre contre la pauvreté aux États-Unis (1945-1974), Editions de l’EHESS, «  En temps et lieux  », 2008, 240 p. Voir le compte rendu sur la Vie des idées

[14À l’appui de cette thèse, il y a le fait, mentionné par l’auteur, que l’élite politique – y compris républicaine – n’utilise tout simplement pas ce mot.

[15William Julius Wilson & Robert Aponte. 1985. ’Urban Poverty’, p. 231-258 in Annual Review of Sociology, vol. 11.

[16William Julius Wilson, More Than Just Race : Being Black and Poor in the Inner-city, New York, Norton, 2009.

[17Les actes sociaux et les processus sociaux, directs ou indirects, constituent les forces structurelles à l’oeuvre, p. 201.

[18Sur des plans très différents, on peut signaler l’ouvrage de Jean-Claude Barbier, La longue marche vers l’Europe sociale, Paris, PUF, «  Le Lien social  », 2008 et plus récemment, Hugues Lagrange, Le déni des cultures, Paris, Seuil, 2010. La vie des idées accordera bientôt une large place à ce livre. À défaut d’une analyse plus approfondie, on peut simplement signaler le décalage qui apparaît entre la réflexion sur la culture dans les contributions du numéro des Annals et dans Le déni des cultures. Même si elle est définie dans ce dernier livre comme le produit de l’histoire d’un groupe, Hugues Lagrange considère la culture comme une réalité beaucoup plus substantielle et homogène au sein de ce groupe que ne le font les auteurs américains cités dans la contribution ici étudiée. La vision des ghettos noirs américains qu’il renvoie est ainsi beaucoup plus culturaliste que celle des auteurs du numéro des Annals dont l’imagination sociologique puise beaucoup plus dans la tradition interactionniste et pragmatiste que dans l’anthropologie. Chez Hugues Lagrange, la perspective culturaliste est cependant contrebalancée par un constructivisme très affirmé, notamment dans les premiers chapitres de son ouvrage.

[19Peter Wagner, Liberté et discipline. Les deux crises de la modernité, Paris, Métaillié, 1996.

[20Malgré de colossales et persistantes différences de degré dans les manifestations de désorganisation sociale, cf. Wacquant, “Red Belt, Black Belt : Racial Division, Class Inequality, and the State in the French Urban Periphery and the American Ghetto”, p. 234-274 in Urban Poverty and the “Underclass” : A Reader. Edited by Enzo Mingione. Oxford and New York : Basil Blackwell, 1996. 1995. Ici aussi cependant, la diminution de la pauvreté urbaine et de la criminalité, la suburbanisation de la pauvreté intervenues aux États-Unis dans les années 1990 et 2000 d’un côté et le renforcement des lignes ethno-raciales et la ségrégation urbaine en Europe tendent à penser un rapprochement des contextes.

[21Cette dimension a fait l’objet d’un travail comparatif par Sylvia Fol, La mobilité des pauvres. Pratiques d’habitants et politiques publiques, Belin, «  Mappemonde  », 2009. Il faudrait ajouter que l’éclatement spatial du cadre de vie des salariés les moins qualifiés dans la société tertiaire s’accompagne d’un éclatement temporel ayant des conséquences profondes sur le cadre familial puisque a) les emplois de services sont situés à proximité du lieu de résidence et/ou de travail des catégories supérieures consommatrices et b) les horaires sont souvent décalés par rapport aux horaires de travail «  standard  » de ces mêmes catégories. Sur ces derniers points, le travail de Laurent Lesnard en France, La famille désarticulée, Paris, PUF, «  Le Lien social  », 2010.

[22Elijah Anderson, Code of the Street. Decency, Violence and the Moral Life of the Inner-City, W.W Northon & Compagny, 1999.

[23Olivier Schwartz, La notion de «  classes populaires  », Habilitation à diriger des recherches en Sociologie, Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines, 1997, p. 77.

[24Claude S. Fischer, Made in America. A Social History of American Culture and Character, University of Chicago Press, 2010, 528 p.

[25Nancy Fraser et Linda Gordon, «  A Genealogy of Dependency. Tracing a Keyword of the US Welfare State  », Signs, vol. 19, n°2, 1994 (Winter), p. 309-336.

[26Olivier Schwartz, «  Vivons-nous encore dans une société de classes. Trois remarques sur la société française contemporaine  », la vie des idées, 22 septembre 2009.

[27Nicolas Duvoux, L’autonomie des assistés. Sociologie des politiques d’insertion, Paris, PUF, «  Le Lien social  », 2009.

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