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Fernand Deligny, Thoiras, 1958. DR.

Essai Philosophie Portraits

Fernand Deligny, ou l’art d’être hors sujet


par Pascal Sévérac , le 7 mars 2023


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Éducateur, écrivain, penseur, conteur, poète, scénariste, Fernand Deligny est inclassable. À la rééducation disciplinaire, entendue comme retour à la norme, il a substitué une rééducation de la sensibilité qui se déprend de la notion de sujet, bon ou mauvais.

À deux reprises, en 1976 et 1977, après de nombreux échanges épistolaires, Louis Althusser rendit visite à Fernand Deligny, qui s’était installé depuis une dizaine d’années dans les Cévennes, à Monoblet, avec quelques enfants autistes profonds, mutiques. De retour de cette visite, un ami lui demanda : « Alors, Deligny ? » Réponse d’Althusser : « Inassimilable » [1].

Réponse à la fois énigmatique et éclairante. Énigmatique, car tout l’enjeu est de comprendre à quoi, et surtout pourquoi, Deligny est inassimilable – que lui vaut ce beau compliment, quelque peu désespéré pourtant ? Éclairant, car d’emblée on saisit mieux pourquoi il est si difficile de faire le portrait de Fernand Deligny : quelle catégorie lui convient le moins mal, éducateur, écrivain, penseur, conteur, poète, scénariste ? Comment caractériser son travail auprès de ces enfants qu’on a pu dire caractériels, délinquants, inadaptés, un travail qui s’est évertué à se déprendre perpétuellement de lui-même, à tordre tout à la fois les pratiques institutionnelles ordinaires dans lesquelles il était inscrit, et les pratiques d’écriture qui rendaient compte de ces torsions ?

Né en 1913 à Bergues dans le Nord, pupille de la nation (son père meurt à la Grande Guerre), Deligny devient après des études de philosophie et de psychologie à l’université de Lille (où il ne passe aucun diplôme), ce que l’on peut appeler un « éducateur » : toute sa vie, il la mène aux côtés d’enfants ou d’adolescents en marge, auprès desquels, selon les circonstances, il élabore pour tisser du lien des tentatives (nous reviendrons sur ce terme). Instituteur spécialisé (sans aucune formation spécifique pour cela, puisqu’il n’en existait pas), il enseigne d’abord auprès d’enfants difficiles – on parlait à l’époque d’« enfants arriérés profonds et inéducables » – dans une école à Paris (rue de la Brèche aux loups, « le nom de la rue m’allait fort bien » [2]), puis une autre à Nogent-sur-Marne. Nommé à l’asile d’Armentières (près de Lille) en janvier 1939, à 27 ans, il est aussitôt mobilisé jusqu’en 1940, puis y revient et est nommé « éducateur-chef » au Pavillon III – expérience dont témoigne son premier livre (Pavillon 3, 1944). Il quitte l’hôpital, ou plutôt, et quoi qu’il en dise, il en est renvoyé en 1943 après avoir laissé s’échapper des enfants lors d’une sortie, elle-même pas tout à fait autorisée. Cette même année, il devient conseiller technique de l’ARSEA (Association régionale de sauvegarde de l’enfance et de l’adolescence) et en 1945, il est nommé à Lille, dans le contexte très particulier de l’immédiat après-guerre, directeur du premier COT, Centre d’Observation et de Triage (c’est bien le nom de ce foyer contre la délinquance), avant de fonder en 1947 avec Huguette Dumoulin la « Grande Cordée », association présidée par Henri Wallon (Deligny y restera jusqu’en 1953) : il s’agit d’un réseau de prise en charge d’adolescents délinquants et psychotiques « en cure libre », c’est-à-dire les envoyant en « séjours d’essai » dans des auberges de jeunesse ou dans des familles d’accueil réparties dans toute la France.

De ces expériences, qui relèvent de son compagnonnage avec le Parti communiste (compagnonnage chaotique, entre prise de distance radicale vis-à-vis de l’idéologie post-stalinienne et méfiance continue envers l’anti-communisme), Deligny tire plusieurs ouvrages : un livre de réflexions sur l’éducation en 1945, Graine de crapule. Conseils aux éducateurs qui voudraient la cultiver (le sous-titre en dit déjà long sur son désir de venir en aide aux enfants et sa crainte d’en faire de bons petits sujets obéissants) ; une chronique sur la vie au sein du COT de Lille en 1947 (année de sa fermeture), Les vagabonds efficaces, l’expression désignant les éducateurs qui ont à faire à ces « vagabonds inefficaces » que sont les enfants en déshérence après la guerre ; les enfants ont des oreilles, récits et poèmes mêlés (1949), et un roman Adrien Lomme (1958), dédié aux « enfants arriérés, caractériels, déficients, délinquants, en danger moral, retardés, vagabonds, etc., etc., etc. », racontant la vie d’un enfant en rupture avec sa famille et l’école, rattrapé par les institutions, placé, fugueur…

À partir de la fin des années 1950 et du début des années 1960, Deligny s’éloigne peu à peu des institutions. Alors qu’il se trouve dans une situation matérielle difficile, Jean Oury et Félix Guattari l’invitent à s’installer à la clinique de La Borde (à côté de Blois), haut lieu de la psychothérapie institutionnelle (attentive en particulier à tous les blocages qui, dans l’institution, pourraient faire obstacle à la prise en charge des pathologies psychotiques lourdes, fondée notamment sur le principe de la liberté de circulation des patients). Deligny y reste deux ans (1965-67) avec quelques enfants psychotiques dont il s’occupe. C’est à cette époque qu’il rencontre celui qui resta son compère de toujours, Jean-Marie J., baptisé par lui Janmari : un enfant né en 1955, diagnostiqué encéphalopathe profond par l’hôpital de la Salpêtrière, considéré comme incurable et confié à Deligny par sa mère.

Fernand Deligny et Janmari, dit « Bibi », dans les Cévennes en 1973. (Thierry Boccon-Gibod)

Le 14 juillet 1967, Deligny, sa compagne et leur fils quittent La Borde avec Janmari pour s’installer d’abord à Gourgas, dans une propriété de Guattari, près de Monoblet dans les Cévennes : c’est le point de départ d’un réseau d’accueil d’enfants autistes qui naît officiellement en 1969 quand Maud Mannoni, Françoise Dolto et Émile Monnerot confient les premiers enfants à la charge de Deligny et d’un groupe d’adultes non professionnels qui peu à peu s’agrandit (au départ, on y retrouve Gisèle et Any Durand, Jacques Lin, Guy et Marie-Rose Aubert) ; d’autres enfants seront confiés par leurs parents – ils ont entre 5 et 10 ans, vivent là en séjours alternés, sauf trois d’entre eux, dont Janmari, qui y résideront en permanence. Cette existence dans le réseau de Monoblet, très fortement ritualisée, se fera dans le plus grand dénuement, grâce à quelques droits d’auteur de Deligny et quelques dons (de Françoise Dolto, d’Emmaüs, des Pink Floyd) – les « présences proches », ces vagabonds efficaces des Cévennes qui surveillent jour et nuit les enfants, n’étant pas payés, puisque Deligny avait établi qu’on ne ferait pas d’argent « sur le dos » des enfants.

L’institution et le réseau

Deligny a ainsi, à la fin des années 1960, définitivement quitté les quelques institutions qu’il a fréquentées, et a créé son réseau. Pourquoi ?

Il s’est toujours agi pour lui de réinventer le cadre, de recréer du milieu.

Déjà à Armentières, les éducateurs sont des gens du coin, des travailleurs du quartier, souvent d’anciens ouvriers du textile qui apportent leur expérience aux enfants. Des ateliers sont mis en place (avec activités rémunérées), des sorties en ville sont autorisées : l’organisation du travail tient lieu de discipline, la surveillance est très souple, et les sanctions ont été supprimées – suppression qui fut certes accueillie parfois avec un certain scepticisme par les enfants qui montraient à Deligny qu’ils n’étaient pas dupes (il s’agissait peut-être encore d’un moyen de les faire obéir) ; mais suppression efficace, qui entraînait une forme d’auto-régulation. Pas de discours moralisateur, pas de réprimande, juste des « observations » : l’adulte note dans un cahier, de façon objective, le comportement de l’enfant (à telle heure, X a craché par terre ; à telle heure, il est parti faire un tour en ville ; à telle heure, il a dit « ta gueule » à un éducateur ; à telle heure, il a refusé de travailler pendant x temps), Deligny et le psychiatre rédigeant à la fin du séjour la conclusion à en tirer. Ce qui compte, ce ne sont pas les personnes, c’est l’activité.

Ainsi, sans prendre de grande posture de résistance, Deligny s’inscrit en faux contre « l’idéologie de l’enfance » [3] qui prévaut au sortir de la guerre : cette idéologie combine une approche techniciste (juridique et médicale) du secteur sanitaire et social, une psychologisation des comportements et des actes (allant de pair avec un naturalisme : les enfants dangereux ont une nature défectueuse à rectifier), et un idéal familialiste de bienfaisance (l’enfance dangereuse est une enfance en danger). Cette idéologie de l’enfance fait fond également sur l’eugénisme à la base des théories sociales de l’État avant la guerre, et qui s’est intensifié sous Vichy – il s’agit d’éliminer les fous et de rééduquer les enfants anormaux. À la pénurie et au rationnement sous l’Occupation, s’ajoute une politique d’affamement à l’égard de cette « humanité inutile » que sont les malades mentaux [4]. L’« enfance déficiente et en danger moral », l’« enfance inadaptée » doit quant à elle faire l’objet de ce redressement au cœur de l’idéal pétainiste de régénération de la France : la finalité est morale et utilitaire (il s’agit d’en faire de bons travailleurs).

Dans un tel contexte, Deligny développe d’abord, à l’intérieur même de l’institution, une autre forme de « rééducation » : non plus une rééducation disciplinaire, entendue comme retour à la norme, mais au contraire une rééducation de la sensibilité, presque au sens physiologique, comprise comme assouplissement des fonctions, réveil des capacités enkystées, sollicitation de l’action ; non plus empêcher les enfants de vagabonder, mais leur donner les moyens de le faire efficacement, cette réanimation se faisant par de nouveaux exercices, au gré de nouvelles occasions. Reprenant une terminologie propre à Henri Wallon, Deligny, saisissant les enfants dans le « milieu », conçoit l’éducateur comme « créateur de circonstances ».

Ainsi, dans la classe de perfectionnement de la rue de la Brèche-aux-loups, un enfant est appelé au tableau, tout penaud, engoncé ; les autres ricanent ; il trace quelque chose comme un rectangle, ce qu’il a sans doute déjà vu faire. Alors, pour Deligny, surtout ne pas faire l’inquisiteur, ne pas questionner sur l’intention, le projet, mais embrayer, inventer :

Il était une fois un banc qui avait perdu ses pieds. Il arrivait que le gamin regarde ce qu’il avait tracé, stupéfait. Parmi les “élèves”, certains à coup sûr pensaient : “Un banc ? IL est capable de dessiner un banc. C’est pas un banc”. Mais je l’ai dit : il s’agissait d’une maîtrise et je ne mettais pas mon affirmation aux voix. Je ne disais pas : “Qu’est-ce que vous voyez dans ce dessin-là ?”. Je racontais » [5].

Si Deligny est un éducateur, c’est un éducateur sans pédagogie : certes, sa pratique peut rappeler celle de Freinet (aménagement de l’espace, activités collectives, école hors les murs…) ; mais elle se caractérise avant tout par la valorisation de l’occasion, du « bon moment » ; il s’agit avec presque rien de faire événement, de saisir la classe, de jouer avec ce banc un peu bancal pour créer un espace nouveau de pensée. Et que le récit se fasse à partir d’un « tracer » est décisif aux yeux de Deligny :

Et il en a fallu des étapes, des impasses, des retours, des lectures et des rencontres pour en arriver à ce que je me fie à l’évidence que tracer n’est pas de même nature que transcrire, parler, écrire, et tout ce qu’on voudra qui est du ressort du sujet, alors que tracer peut nous prendre au dépourvu si tant est que nous acceptions que, pour ce qui nous concerne, être pourvu veut dire être possédé par une certaine culture, ensemble de systèmes, de signes, qu’en tant qu’individu nous trouvons à notre naissance. Il ne peut y échapper. Que tracer puisse être une faille dans cet “ordre” dénommé symbolique, une fêlure où quelque peu de nous peut s’y (re)trouver, comme par inadvertance, c’est ce qui s’amorçait, et tout à fait à mon insu, dans cette classe d’avant la guerre.

C’est dire qu’une tentative vient de loin [6].

Pendant une grande partie de sa vie, Deligny a tenté d’aider les gamins qui lui étaient confiés en travaillant à l’intérieur même des institutions (école, hôpital, association…), de s’en sortir sans en sortir. Ses « tentatives », comme il les appelle, qui se font à la fois à l’intérieur et à l’encontre des institutions, sont à chaque fois des manières de faire réseau ; ou plutôt, des manières de faire revivre, de laisser respirer le réseau qui nécessairement se trame entre les individus, mais qui peut se figer, s’institutionnaliser – le réseau, c’est ce sur quoi s’édifient les institutions, mais aussi ce qu’elles finissent par asphyxier. Dans cet entrelacs du réseau et de l’institution, Deligny distingue l’individu et le sujet : l’individu qui est attiré par la vie de réseau, et le sujet – le bon ou le mauvais sujet – qui joue son rôle social, qui est engagé dans les institutions, ou contre elles, qui est toujours « interpellé » dirait Althusser par les idéologies de tout acabit. Même ceux qui ont fait corps dans les pires organisations fascistes pendant la guerre ont, selon lui, exprimé ce désir de réseau, de faire « corps commun ».

Deligny a toujours cherché à nommer le mieux possible ce corps commun qui fait l’humain : fasciné par le travail de l’araignée qui tisse sa toile machinalement, sans conscience ni volonté, il l’a nommé « arachnéen » – beau vocable ayant donné son nom aux éditions fondées par Sandra Alvarez de Toledo, qui ont entrepris de donner vie (ou seconde vie) à une très grande partie des travaux de Deligny (et autour de Deligny) : un premier gros volume, Œuvres, est sorti en 2007, réédité en 2017 ; puis est parue une série d’autres ouvrages qu’on trouvera en bibliographie. C’est grâce à ce travail si précieux des éditions L’Arachnéen que Deligny et le réseau de Monoblet ont été, ces quinze dernières années, complètement redécouverts.

Agir et faire : les deux mémoires

Si l’arachnéen convient si bien pour dire le réseau qui se trame, qui se tisse, c’est qu’il renvoie à une activité sans sujet, et sans projet : une activité non intentionnelle, sans fin – ni but ni terme. Deligny distingue l’activité du faire et celle de l’agir : le faire renvoie à une activité transitive et finalisée, polarisée par un objectif, et le plus souvent, en éducation, par l’ambition de réaliser une dynamique de subjectivation. Il s’agit de faire des enfants des sujets, sujets de l’autorité du maître, sujets disciplinés, mais aussi sujets conscients d’eux-mêmes et du monde, sujets enseignés, sujets apprenants, sujets développant leur esprit critique, et même, selon certains, « construisant » leur savoir.

Deligny quant à lui parie sur ce qu’il y a de non-sujet en nous, et donc d’anonyme : ce qu’il nomme parfois « l’humain de nature », pour l’opposer à « l’homme-que-nous-sommes », doué de volonté et de conscience. Il entend susciter, « permettre » selon un mot qu’il affectionne, un agir intransitif, un agir pour rien, un agir arachnéen si on entend par là tout ce qui se trame de façon a-signifiante, toutes les formes de relations non symboliques, dépourvues de sens, c’est-à-dire de direction et de signification : dépourvues d’objectif et par là même de subjectif. Cet agir est celui que révèle l’éclipse de la conscience, dans l’absence du langage, et qui est l’expression de la « nature  » même. « Nature » : Deligny use souvent de ce terme en précisant qu’il sait bien qu’on l’accusera de naïveté, « ON » étant cette « vogue » du tout culturel, du tout symbolique. Or, c’est pourtant de cela qu’il s’agit, d’une dimension innée de l’humain ordinairement occultée par la conscience et le mot : d’un inné actif, d’une nature à l’infinitif, d’une « nature naturante » pour user d’une expression spinoziste.

Nul doute que la sensibilité de Deligny à cet en deçà du symbolique a été entretenue par sa vie auprès des autistes, auprès de Janmari en premier lieu : à partir de 1968, il a installé dans les Cévennes, près de Monoblet, une structure indépendante et informelle – un réseau qu’il nommait « radeau » – pour ces enfants et adolescents mutiques, et pas seulement mutiques, proprement déroutants, leur comportement paraissant insensé, entre gestualité répétitive (stéréotypies) et regards absents. L’une des premières Lettres à un travailleur social déclare : « j’ai toujours vécu l’asile sous quelque forme que ce soit » [7]. Or, dans ces milieux, « c’est à grand renfort de symbolique que la vogue culturelle entendait intervenir ». Parler, interpréter, donner du sens à ce qui se fait : rien de tout cela n’est bien adapté à des autistes vivant dans la « vacance du langage », et partant dans l’a-conscience (« l’identité consciente-inconsciente étant suspendue au même clou que le discours » [8]). C’est depuis ce lieu et cette vie commune avec ces enfants autistes qu’apparaît à Deligny ce mode d’être machinal, cet automatisme de l’activité, de « l’entre » dit-il parfois, et dont les expressions principales sont les actes de repérer et de tracer.

Prenons un fait très fréquent : un enfant nous est amené par ses parents qui viennent de Paris, de Grenoble ou de Lyon. L’enfant passe là quelques semaines, et ses parents viennent le rechercher. Des mois passent. Se décide qu’il revienne. Les parents reprennent la route. L’enfant se cogne la tête dans les vitres ou se mord.
Ce qui se pense alors se dit : « Il ne veut pas y retourner », et voilà porté à son comble le chagrin latent.
Or, ce qui s’est passé, c’est que la voiture, pour une raison quelconque, n’a pas pris tout à fait la même route que la première fois, trajet repéré par l’enfant, donc pré-vu, et toute entorse, tout « manquement » à ce pré-vu provoque un désarroi dont les parents vont chercher la cause dans le fin fond de leurs intentions.
Et qui aurait jamais la conscience tranquille dès que s’annonce un tel procès d’auto-inquisition ?
Vont-ils admettre que les choses soient si simples ? Ça serait au détriment de leurs propres créances, et que devient l’aimer s’il suffit de respecter un trajet repéré ? Et, qu’est-ce que ça veut dire d’y tenir à un point tel, à ce premier trajet, qu’il faudrait le réitérer ? La Malencontre est là, que ça ne veut rien dire, du tout.
C’est ainsi que fonctionne l’appareil à repérer lorsque l’appareil à langage fait défaut [9].

L’appareil à langage, l’appareil à faire du symbolique, n’est qu’une forme dérivée, et peut-être dégradée, de cet appareil plus fondamental à repérer, de cette machine à agir et à tracer. L’appareil à langage en est l’histoire ; l’appareil à repérer la nature – une nature « immuable », précise Deligny. De Janmari, il affirme ainsi :

Qu’il révèle à l’évidence que l’appareil psychique est tout autre chose qu’un appareil à langage, puisqu’il s’avère qu’il fonctionne sans ce matériau-là, prouve au moins que l’inné envahi, submergé, recouvert, enfoui, renié, vilipendé, ridiculisé, persiste à préluder, intact, comme un genou est un genou depuis toujours, comme les cinq doigts de la main [10].

Voilà ce qui « persiste à préluder », et qu’on ne voit plus quand seuls comptent le mot, l’intentionnalité, le sens à interpréter. Janmari et les enfants autistes montrent qu’il existe d’autres façons d’être humain ; ou plutôt, avec eux est mis au jour, et à vif, une manière commune d’être au monde : le repérage, le traçage, activités toujours réitérées, souvent exprimées et finalisées dans et par le langage, mais parfois aussi – les autistes l’attestent – hors de lui. Ces deux manières de repérer, Deligny les renvoie à deux formes de mémoire, la mémoire d’instinct, celle de l’agir primordial (l’arachnéen), et la mémoire d’éducation, celle du faire qui constitue le sujet, l’homme, pas l’humain. Deligny emprunte cette distinction à Leroi-Gourhan, mais en prenant aussitôt quelque distance à son égard : il ne croit pas à ce qu’en dit l’anthropologue, à savoir à « la substitution totale de la mémoire d’éducation à la mémoire d’instinct » [11]. Cette mémoire d’instinct, c’est une mémoire archaïque, une mémoire qui ne s’apprend pas ; c’est la mémoire de ceux qui ne vivent pas dans la « saturation du symbolique » (l’expression est empruntée à Lévi-Strauss), mais, à l’instar des animaux, dans la saturation sensorielle :

Mémoire d’espèce. Il paraît que les hirondelles de la dernière couvée, celle qui a vu le jour sous les tuiles qui débordent du mur, seules, n’ayant jamais fait la traversée, arriveraient au nid abandonné aussi sûrement que les chevronnées.

Il paraît qu’un castor né de castors, privés dès la naissance, de pérémère et de proches, eux-mêmes privés, dès la naissance, de castor proche et ce pendant sept générations, ce castor-là, le dernier du ricochet, amené près d’un lac et abandonné là, te vous fera digue et hutte de mémoire dira-t-on, mais quelle mémoire est-ce là qui nécessite un lac pour être révélée ? À croire qu’elle est tout autant dans l’eau du lac et les arbres des alentours que dans le bestiau [12].

La mémoire d’instinct est liée à l’appareil à tracer qu’est la puissance première, immanente, de l’individu comme membre de l’espèce : c’est une mémoire anonyme, collective, mémoire d’espèce qui est mémoire d’espace plus que de temps, mémoire des rapports plus que des choses. Il faut du lac et des arbres alentour pour que s’exerce la mémoire du castor. Mémoire qui ne passe pas par l’apprentissage des signes, mais par le repérage des liaisons, des connexions entre les choses.

Dans le langage, hors du langage

Comment dès lors faire communauté avec ceux qui vivent de cette mémoire ? Dans ses Lettres à un travailleur social, Deligny prend ses distances aussi bien avec les éducateurs qui, voulant prendre le parti des enfants mutiques, tentent de s’assimiler à eux en faisant « la grève du langage », qu’avec ceux qui, pris dans la vague ou la « vogue » du tout symbolique, sont pleins de mots – « le règne du langage étant, se devant, d’être absolu » [13]. Les premiers sont pris par cet « excès constant de semblabiliser » [14], non pas cependant en faisant ce qu’on fait ordinairement, en projetant sur les autistes la conscience de soi, mais en projetant, à l’inverse, l’autisme sur eux-mêmes : Deligny les soupçonne de faire de l’autisme une nouvelle cause, un nouveau parti, de le sacraliser, voire de le romantiser – et autant Deligny s’est toujours senti bien aux côtés de ces enfants mutiques, autant l’idée de fraterniser avec eux en les imitant lui paraît complètement absurde et déplacée. D’ailleurs, et contrairement à ce que certains ont pu soutenir [15], le mutisme des autistes n’est pas un refus de parler – il relève bien plutôt d’un silence premier, sur lequel il n’y a sans doute pas grand-chose à dire [16].

Mais les autres éducateurs, ceux qui « arrivaient bardés de véhémence et d’imprécations comme des missionnaires en terre païenne », même s’ils donnaient dans l’interprétation tous azimuts, du moins « pressentaient dans le langage la source même de la liberté ; ce en quoi ils ne se trompaient pas ». Le langage source de la liberté : on ne s’attend pas trop à lire ces mots sous la plume de Deligny. Et pourtant, il faut bien qu’il le soit aussi, sinon on ne s’expliquerait pas trop sa rage d’écrire, et son effort pour inventer une espèce de dialecte, de bégaiement dans la langue dirait Deleuze. Cette invention d’une langue singulière, idiosyncrasique, cet effort d’« étrangéisation » de la langue, n’est bien évidemment pas à mettre au compte d’un désir élitiste d’originalité ou de complication (ce qui a pu lui être reproché) ; elle relève bien plutôt d’une exigence éthique, d’une éthique de langue. Deligny raconte ainsi en quelle manière un événement (un enfant a cassé un bol) peut devenir un foyer d’investissement du sens, les interprétations allant alors bon train : « quoi de plus sein qu’un bol » [17] !, se dit-on alors.

D’où ma recommandation à l’orée de cette démarche-ci de n’utiliser cet « il » inconsistant qu’avec parcimonie. « Il a neigé cette nuit » ou « il a (encore) cassé un bol ce matin » ont pour moi la même résonance. « La neige est tombée » ou « un bol a été cassé » me semble de meilleur aloi [18].

Cette esquive du « il », ce « contr’il » qui fait écho au « contr’un » de La Boétie (Deligny était fasciné par le Discours de la servitude volontaire ou Contr’un, auquel il emprunte aussi le thème de la « Malencontre ») va de pair avec une mise à distance, une neutralisation du « se », lui qui fait croire en toute chose à la présence d’une ipséité.

Le se sans lequel comment dire, permet d’exprimer tout ce qu’on voudra, que le soleil se lève ou que Janmari – autiste – se lave les mains, ce qui veut dire que sont lavées les mains de se.

Où se voit qu’effectivement la substitution totale de la mémoire acquise à la mémoire d’espèce – parfaitement innocente de tout se que ce soit – est un fait accompli, à ceci près que le soleil ne se lève ni ne se couche et que Janmari, atteint d’autisme infantile précoce, ce qu’il lave n’est en rien quoi que ce soit qui aurait quelque se au point focal [19].

Il n’y a de substitution totale de la mémoire d’éducation à la mémoire d’espèce que dans le langage, où partout se niche cette illusion réflexive : le « se » chez les enfants autistes est juste une manière de dire (il n’est rien d’autre qu’un « comment dire ») ; et il n’en va alors que d’une réflexivité corporelle (des mains sont lavées… par elles-mêmes). Janmari se lave les mains comme le soleil se couche, c’est-à-dire comme une façon de voir, et de dire, les choses (la façon de « ON »). Si l’on peut se passer de « se », autant le faire – on dira alors non qu’IL SE balance (le balancer étant une des stéréotypies autistiques), mais on parlera de « Ce balancer » qui traverse l’enfant ; de même, on ne dira pas qu’IL (une présence proche, un enfant, Deligny) prend une initiative, comme si un « qui », substrat, en était porteur, pas même que l’initiative SE prend, mais que l’initiative prend, ou ne prend pas, qu’elle perdure, ou s’éteint : ça prend ou ça ne prend pas, mais c’est un processus collectif, commun, trans-individuel pourrait-on dire.

Ainsi pour Deligny, il faut mener une bataille d’abord à l’intérieur du langage, de ce « pérorer qui nous incombe » [20] : le tordre, le réinventer, afin notamment de le désubjectiver. D’où un usage fréquent des infinitifs pour dire ces agir essentiels qui se trament dans la nature comme chez les enfants (« J’ai souvent parlé de l’infinitif qui est le moins maternel des usages possibles du verbe puisqu’il n’y a pas de sujet à la clef, le verbe engendrant le chef » [21]). D’où également un recours incessant au dictionnaire, pour dire de quoi les mots sont faits, quelle est leur étymologie, à quelles idées ils renvoient : il s’agit d’un côté de n’être plus pris dans les rets d’un langage tout fait, dans les pièges de la parole du ON ; et il s’agit d’un autre de tirer tous les fils du langage, de faire réseau avec lui aussi, en retrouvant les connexions perdues, en renouant avec des liens distendus. « Parlant ma langue, je sais fort bien que je parle une langue quasiment étrangère » [22] – une langue la moins maternelle possible.

Il y a une poésie de la langue delinéenne, même si Deligny, en écrivant, n’a aucune intention particulière de faire (le) beau. Mais cette poésie est aussi présente dans d’autres formes de repérage et de traçage, qui se sont effectuées dans le réseau de Deligny. Retenons-en deux pour finir.

Cartographier

Le Serret, septembre 1973. Deux calques superposés, tracés de Jacques Lin. Reproduit dans Cartes et lignes d’erre. Traces du réseau de Fernand Deligny. 1969-1979, L’Arachnéen, 2013. (Photographie: Anaïs Masson)

En premier lieu, les cartes. Des cartes qui conservent la trace des trajets des enfants. Drôle d’idée, qui a donné lieu à des productions étonnantes. À Jacques Lin, quelque peu désemparé de voir des enfants se mordre ou se taper le front contre des pierres, Deligny suggère – réponse apparemment décalée – de noter leurs trajets, à la fois leurs déplacements habituels pour accomplir le coutumier (les tâches quotidiennes auxquels ils peuvent participer : faire la vaisselle, faire du feu dans le four pour le pain, nourrir les canards et les chèvres, faire des fromages, couper les vignes, planter des tomates, faucher les prés…), mais aussi leurs détours, leurs déplacements immuables et pour rien.

Carte tracée par J. Lin le 12 juin 1975 – Cartes et lignes d’erre, L’Arachnéen, 2013

Plutôt que de dire, d’interpréter, d’expliquer : regarder, repérer, cartographier. Plutôt que d’interpréter des émotions ou des intentions : croquer des mouvements dans l’espace, des emplacements et des déplacements de corps. Ces trajets se font dans les différents lieux, les différentes « aires de séjour » composant le réseau des Cévennes, qui est d’abord un réseau géographique, fait de campements et de fermes : Monoblet, Graniers (le hameau où vit Deligny), l’Île d’en bas (baptisée ainsi par lui, elle désigne un petit vallon à côté de Graniers), Le Serret à une vingtaine de kilomètres de Graniers, le grand mas de Pomaret à une quinzaine de kilomètres…

Un très bel ouvrage, Cartes et lignes d’erre, publié en 2013, présente près de 200 cartes réalisées par les adultes entre 1969 et 1979, et propose pour chacune d’elles des descriptions permettant le déchiffrement de ces trajets tracés d’abord sur de grandes feuilles à dessin et sur des calques. Tout un vocabulaire, choisi par Deligny, décrit les « lignes d’erre » des enfants autistes : le cerne, qui dit l’espace circulaire bien délimité à l’intérieur duquel les trajets automatiquement se font (Deligny raconte sa stupéfaction lorsque, classant les calques les uns sur les autres, et variant ce classement, il se rendit compte que les gamins dans leurs déplacements jamais ne sortaient d’une espèce de cercle) ; le chevêtre, désignant le point de croisement des trajets des adultes et des enfants, où ces derniers ont coutume de revenir (ce peuvent être les restes d’un ancien feu, d’une source tarie ou d’un ruisseau enterré) ; l’objet pour rien, c’est-à-dire ces objets du quotidien qui ne servent plus à rien, ou ces objets fabriqués par les adultes juste pour être maniés, pour être repérés : ils sont le pendant de « gestes pour rien », de « simulacres » (par exemple, frapper une « pierre pour rien » avec une autre pierre), qui, sans intention particulière, servent de repères sensoriels pour l’enfant, et permettent éventuellement, chez eux, une activité particulière. Certains diront un début d’imitation, d’apprentissage, de projet (voire de guérison ?) ; Deligny dit un « agir », et la production de quelque chose en commun.

Camérer

En second lieu, les films. Ou mieux : « camérer » plutôt que faire des films.

À la fin des années 1970, les présences proches, responsables des aires de séjour, cessent peu à peu de cartographier les déplacements des enfants : s’y substitue l’usage de la caméra, celle de la « Paluche » notamment, petite caméra très maniable, reliée à un écran qui rend possible le visionnage direct des images prises. La main sur la caméra, l’œil sur l’écran : la disjonction plaisait à Deligny, qui préférait la formule « preneur d’images » à celle de cinéaste ou de réalisateur pour dire l’importance du travail de la main dans l’acte de filmer. Le verbe « camérer » résonne justement de l’importance de l’outil et de l’activité accomplie avec lui, bien plus précieuse que l’objet final (le film) : les enfants autistes eux-mêmes étaient bien plus intéressés par les machines (la caméra, le projecteur) que par les images projetées. Caroline, la deuxième fille de Deligny, arrivée dans le réseau en 1977, fut chargée par son père d’utiliser la Paluche pour filmer l’existence coutumière dans les aires de séjour : en plus des lettres qu’envoyait Deligny aux parents, c’était une manière vivante de leur donner des nouvelles de leurs enfants. Mais l’ambition de Deligny avec la caméra va bien au-delà.

Deligny a toujours été habité par le cinéma : il rencontre André Bazin dans les années 1940 (ils habitent le même immeuble, rue du Cardinal-Lemoine, en 1948) ; c’est André Bazin qui conseille à son jeune protégé, François Truffaut, à la fin des années 1950, de se documenter auprès de son ami Deligny pour son premier film Les Quatre Cents Coups. La Correspondance des Cévennes. 1968-1996 s’ouvre sur des échanges avec François Truffaut et Chris Marker ; d’autres suivront avec Robert Kramer ou Thierry Garrel. Et même si, dans la multitude des projets de films envisagés par Deligny, la plupart ne virent pas le jour, il y eut néanmoins des réalisations marquantes.

Deligny, Yves Guignard et (de dos) Richard Brougère sur le tournage du Moindre geste (1962-1965). Photographie et archives Any Durand.

Dans les années 1960, sur un scénario de Deligny, Josée Manenti tourna Le Moindre Geste, images oubliées puis retrouvées par un jeune opérateur, Jean-Pierre Daniel, qui les monta et en fit un film présenté à Cannes dans la Semaine de la critique, grâce à l’aide de Chris Marker : ce film a pour personnage central Yves G., enfant diagnostiqué comme « irrécupérable », confié à Deligny en 1957, et dont est donné à éprouver l’univers sensoriel (on y entend Yves, « source intarissable de rires aux larmes », parodier avec un grand talent les paroles d’autorité, dont à la fin celle de de Gaulle). Plutôt que d’un scénario et d’une histoire, le film est fait à partir d’un canevas, de quelques idées éparses et surtout d’un milieu de vie. Il s’agit pour Deligny de casser la trame du récit traditionnel, avec un sujet bien identifié : plutôt qu’un scénario bien ficelé, se contenter d’un synopsis qui donne la tonalité, qui inspire des prises de vue sans les diriger. Quelque chose du hasard, de la non-intentionnalité doit demeurer, pour être au plus près du réel filmé.

Le dernier ouvrage paru aux éditions L’Arachnéen en 2021, Camérer. À propos d’images, montre à quel point chez Deligny la pensée par mots et la pensée par images sont intimement liées. Car l’image n’est pas seulement jouée contre le langage verbal (« camérer » pour ne plus « pérorer »). S’adressant à Renaud Victor venu le voir dans les Cévennes, Deligny analyse en quel sens l’écrivant (le faiseur de canevas, le « canevassier ») et le réalisateur (le « preneur d’images », le camérant que sera Renaud Victor) peuvent collaborer en symbiose pour former comme un lichen, « cette espèce de petite mousse très obstinée » née « de la rencontre entre une algue et un champignon » [23]. Ils réalisent ensemble Ce gamin, là, film autour de Janmari, produit par Truffaut et projeté en janvier 1976 à Paris (au Saint-André des arts), ainsi que Fernand Deligny. À propos d’un film à faire. Ce lichen, c’est aussi la symbiose du verbe et de l’image qui doit pouvoir montrer la manière d’être des enfants autistes, leur façon de se placer et de se déplacer, de sentir et de repérer l’espace. « Camérer » entend agir contre le cinéma, celui qui produit des images conventionnelles, et commerciales, où l’identification et la reconnaissance sont reines. Contre l’imagination, trop souvent assujettie au ON, Deligny veut « imager » – produire des images qui ne sont pas imaginées, des images qui ne font pas semblant, ni ressemblant, des images sauvages, inassimilables : et produire ainsi un émoi chez le spectateur en le déroutant, en trompant ses attentes, en le décevant même.

Deligny en 1984. Photo : Gisèle Durand-Ruiz Archives Gisèle Durand-Ruiz et Jacques Lin – Editions L’Arachnéen

Jusqu’au bout (Deligny meurt en septembre 1996 à Monoblet), il a cherché, malgré la rupture entre les deux, à rapprocher l’homme que nous sommes de l’humain d’espèce, le « point de vue » du sujet du « point de voir » de l’autiste ; jusqu’au bout, il a tenté de griffer le tain du miroir (de l’« échopper » dit-il), pour toucher l’autre mémoire, celle qui échappe à la domestication symbolique, celle qui ne veut rien dire, qui est hors sujet.

Une grande exposition sur Fernand Deligny, « Légendes du radeau », est organisée au CRAC Occitanie, à Sète, du 11 février au 29 mai 2023. Conception de l’exposition : Sandra Alvarez de Toledo, Anaïs Masson et Martín Molina Gola avec l’aide de Gisèle Durand-Ruiz et Jacques Lin.

par Pascal Sévérac, le 7 mars 2023

Aller plus loin

Bibliographie

De et autour de F. Deligny :

 Œuvres, édition établie et présentée par S. Alvarez de Toldo, avec des textes de M. Chauvière, A. Ohayon, A. Querrien, B. Ogilvie et J.-F. Chevrier, L’Arachnéen, Paris, [2007], 2017, 1848 p., 557 images.
 Essi & Copeaux. Derniers écrits et aphorismes, Le mot et le reste, Marseille, 2005, 352 p.
 L’Arachnéen et autres textes, avant-propos de S. Alvarez de Toledo, postface de B. Ogilvie, L’Arachnéen, Paris, 2008, 256 p., 32 images.
 Lointain prochain. Les deux mémoires, Éditions fario, Paris, 2012.
 Cartes et lignes d’erre. Traces du réseau de Fernand Deligny. 1969-1979, introduction et glossaire par S. Alvarez de Toledo, postface de B. Ogilvie, L’Arachnéen, Paris, 2013, 416 p., 177 cartes légendées, 8 photographies (bilingue français-anglais).
 Journal de Janmari, texte de G. Durand (français-anglais), L’Arachnéen, Paris, 2013, 200 p., fac-similé.
 La septième face du dé, roman, postface de S. Alvarez de Toledo, L’Arachnéen, Paris, 2013, 160 p., 4 images.
 Lettres à un travailleur social, postface de P. Macherey, L’Arachnéen, 2017, 192p, 5 images.
 Correspondance des Cévennes. 1968-1996, édition établie et présentée par S. Alvarez de Toledo, L’Arachnéen, Paris, 2018, 1320 p., 175 documents.
 Camérer. À propos d’images, édition établie par S. Alvarez de Toledo, A. Masson, M. Miguel et M. Vidal-Naquet, avec des essais de H. Joubert-Laurencin, M. Miguel, J.-L. Comolli, A. Masson, A. de Séguin, S. Alvarez de Toledo et C. Béghin, L’Arachnéen, Paris, 2021, 392 p., 305 images.
 Le cinéma de Fernand Deligny. Le Moindre Geste & 2 films de Renaud Victor, 3 DVD, Éditions Montparnasse, 2007.

Sur F. Deligny :

 Marlon Miguel (thèse de doctorat), À la marge et hors-champ : l’humain dans la pensée de Fernand Deligny, Université Paris 8, 2016 (pdf en ligne).
 Pierre-François Moreau, Fernand Deligny et les idéologies de l’enfance, avec une postface de Fernand Deligny, Retz, Paris, 1978.
 Catherine Perret, Le tacite, l’humain. Anthropologie politique de Fernand Deligny, Seuil, Paris, 2021.
 Françoise Tschopp, Le geste de Fernand Deligny. L’éducation aux prises avec les mots, IES/HETS, Genève, 2020.
 Fernand Deligny et la philosophie. Un étrange objet, sous la direction de Pierre-François Moreau et Michaël Pouteyo, ENS Éditions, Lyon, 2021.
 Deligny et les tentatives de prises en charge des enfants. L’aventure de l’Aire (1968-1973), sous la direction de Pierre Boiral, Georges Bourdouil, Jean Milhau, Éditions érès, Ramonville Saint-Agne, 2007.
 Fernand Deligny. 50 ans d’asile, de Louis-Pierre Jouvenet, Jean-Michel Caillot-Arthaud et Claude Chalaguier, Privat, Toulouse, 1989.
 Pierre Macherey, blog « La philosophie au sens large », voir en particulier « Deligny et le parti pris des choses » (novembre 2015) et « Un roman métaphysique : La septième face du dé de Fernand Deligny » (juin 2014).

Pour citer cet article :

Pascal Sévérac, « Fernand Deligny, ou l’art d’être hors sujet », La Vie des idées , 7 mars 2023. ISSN : 2105-3030. URL : https://booksandideas.net./Fernand-Deligny-ou-l-art-d-etre-hors-sujet

Nota bene :

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Notes

[1L’anecdote est racontée par Bertrand Ogilvie dans «  Deligny l’inassimilable : le faire et l’agir  » in Fernand Deligny et la philosophie. Un étrange objet, sous la direction de Pierre-François Moreau et Michaël Pouteyo, ENS Éditions, 2021.

[2Préface de la réédition en 1976 de Les enfants ont des oreilles, in Œuvres, L’Arachnéen, 2007, p. 351.

[3L’expression donne son titre au premier grand ouvrage paru sur Deligny : Fernand Deligny et les idéologies de l’enfance de Pierre-François Moreau, avec une postface de Fernand Deligny, Retz, 1978.

[4Voir Michel Chauvière, Enfance inadaptée : l’héritage de Vichy, Éditions Ouvrières, 1980 [L’Harmattan, 2009].

[5Œuvres, p. 352. Catherine Perret propose une lecture lumineuse de l’histoire du banc dans son très bel essai, Le tacite, l’humain. Anthropologie politique de Fernand Deligny, Seuil, 2021 (voir en particulier p. 70-77).

[6Œuvres, p. 352.

[7Lettres à un travailleur social, avec une postface de Pierre Macherey, L’Arachnéen, 2017, p. 18.

[8Le Croire et le Craindre, in Œuvres, p. 1124.

[9Le Croire et le Craindre, in Œuvres, p. 1179.

[10Le Croire et le Craindre, in Œuvres, p. 1183.

[11Lettres à un travailleur social, p. 12.

[12Lointain prochain. Les deux mémoires, Éditions fario, 2012, p. 75. Les réflexions de Deligny sont nourries de ses lectures des éthologues, notamment Konrad Lorenz, Jean-Henri Fabre, Irenäus Eibl-Eibesfeldt, Karl von Frisch.

[13Lettres à un travailleur social, p. 26.

[14Le Croire et le Craindre, in Œuvres, p. 1122.

[15Par exemple Marcel Gauchet, avec lequel Deligny aura une correspondance (voir Correspondances des Cévennes, p. 1001 et surtout p. 1011).

[16L’une des nombreuses sources de la réflexion delinéenne, notamment sur le langage et le «  tacite  », est la pensée de Wittgenstein (voir Lettres à un travailleur social, p. 92 et sq.  ; ainsi que la postface de P. Macherey). Deligny a voulu faire un film sur la vie de Wittgenstein (projet non réalisé).

[17Lettres à un travail social, p. 30. Telle est la «  saturation symbolique dont la teneur en sexualité est notoire  », p. 31.

[18Lettres à un travailleur social, p. 29.

[19Lointain prochain. Les deux mémoires, p. 69-70.

[20«  Quand le bonhomme n’y est pas  », in L’Arachnéen et autres textes, L’Arachnéen, 2008, p. 196. Et p. 198 : «  Pour être clair, j’appellerai pérorer l’infinitif-maître de ce qui fonctionne au symbolique, et repérer l’infinitif-maître qui s’exerce dans l’autre univers  ».

[21L’Arachnéen et autres textes, p. 95.

[22Lointain prochain. Les deux mémoires, p. 40-41.

[23Camérer. À propos d’images, p. 109. Voir également les textes de Marlon Miguel dans cet ouvrage, ainsi que dans Fernand Deligny et la philosophie. Un étrange objet.

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